Mesurer la contamination interne pour renforcer la radioprotection

L’anthroporadiométrie (ATP) est un examen proposé aux professionnels qui sont en contact avec des sources radioactives non scellées émettrices de rayons X ou gamma dans leur travail. Corps entier, thyroïde ou poumons, cette mesure donne une « photographie » de leur contamination interne. Et, in fine, elle permet d’identifier des leviers -aménagement du poste de travail, nouvelle organisation des locaux et du parcours, etc.- pour améliorer leur radioprotection.

Pour surveiller régulièrement les professionnels exposés, l’IRSN dispose de laboratoires mobiles grâce auxquels sont effectuées sur site des mesures anthroporadiométriques. - © Stéphanie Clavelle/Médiathèque IRSN

TEMOIGNAGE – Anne Ferry-Wilczek : "L’ATP fournit une mesure directe de l’efficacité de nos pratiques de radioprotection"

Anne Ferry-Wilczek, responsable du service biomédical de territoire et unité de radioprotection au Centre Hospitalier du Mans (Sarthe). - © Collection privée

 "Depuis 2022, le service de médecine nucléaire du centre hospitalier (CH) du Mans, dans la Sarthe, a déménagé dans un nouveau bâtiment. Au bout d’un an, la médecine du travail a prescrit un examen anthroporadiométrique (ATP) aux membres du personnel exposés à des sources radioactives. Ces personnes manipulent des produits de contraste pour les appareils de scintigraphie et les scanners à émission de positons, ou travaillent en présence de sources radioactives non scellées. Le centre hospitalier a mis en place des campagnes de mesures annuelles de la contamination interne du personnel au moyen d’examens ATP ou radiotoxicologiques.
La force de l’ATP est qu’il peut se pratiquer directement sur le campus, grâce aux moyens mobiles dont dispose l’IRSN. Il est particulièrement indiqué pour mesurer des radionucléides de faible demi-vie (quelques heures ou jours) tels que ceux utilisés en routine au sein de notre service de médecine nucléaire. En pratique, le personnel médical s’absente environ une heure de son poste pour réaliser l’examen, ce qui permet d’avoir une photographie à un instant t de leur contamination interne éventuelle lors d’une journée type.

Des leviers d'amélioration 
Cet examen étant réalisé annuellement, on peut suivre l’évolution des contaminations au fil du temps, identifier le lieu et le moment de la contamination et ainsi trouver des leviers d’amélioration pour les éviter. Dans notre ancien service, les patients, les professionnels et les sources empruntaient les mêmes couloirs. Depuis notre déménagement, ces trois parcours ont été différenciés afin de limiter les risques. Résultat : une baisse de l’ordre de 50 % du nombre des contaminations par rapport à l’année précédente ! Une nette amélioration que l’on doit aussi à de nouvelles ventilations et des appareils neufs."

Un contrôle de non-contamination externe des mains est réalisé avant la mesure anthroporadiométrique du corps. Pour cela, la personne place ses mains sous des détecteurs germanium hyper-purs, sans les toucher, pour ne pas les contaminer. - © Philippe Dureuil/Médiathèque IRSN

INFOGRAPHIE – Comment se déroule une anthroporadiométrie ?

Certains métiers présentent un risque accru d’exposition interne à des rayonnements ionisants. Pour ces professionnels à risque, des examens spécifiques sont régulièrement prescrits. L’anthroporadiométrie constitue alors une solution de choix. Que mesure-t-elle ? Comment la déployer ? Pour quels bénéfices ? Explications.

© T.Cayatte/Agence Ody.C/Médiathèque IRSN/Magazine Repères

AVIS D’EXPERT – Jean-Michel Sene : "Donner au personnel le bon moyen de prendre conscience de son exposition"

Jean-Michel Sene, responsable de l’activité anthroporadiométrie à l'IRSN. - © Collection privée

"L’anthroporadiométrie (ATP) est un examen qui permet de mettre en évidence une contamination interne. Elle consiste à mesurer l’activité des rayonnements X et gamma directement émis à l’extérieur de l’organisme par des radionucléides, principalement de période radioactive courte comme le technétium et le fluor, fréquemment utilisés en médecine nucléaire, ou de période radioactive longue, comme le césium et le cobalt, souvent associés aux activités des centrales nucléaires.
Cet examen présente deux principaux avantages. Il permet au conseiller en radioprotection (CRP) d’avoir un retour direct sur l’efficacité des mesures de radioprotection mises en place dans son service (la bonne utilisation des EPI, le bon fonctionnement des EPC, etc.). Mais c’est aussi un excellent moyen pour le personnel de prendre pleinement conscience de son exposition et de l’importance des mesures de radioprotection qui sont mises en place par la CRP.
La première chose qui doit être faite lorsqu’une contamination est détectée par le responsable de la mesure ATP, c’est d’engager une discussion avec le membre du personnel pour identifier avec lui l’origine de sa contamination : quel geste quotidien ou processus a pu le contaminer ? Au-delà de l’aspect réglementaire qui impose des examens ATP ou radiotoxicologiques régulièrement, cette approche constitue un bon moyen pour améliorer la radioprotection pour le personnel exposé."


INFORMATIONS PRATIQUES

ATP ou radiotoxicologie : quel examen choisir ?  

L’ATP fournit des résultats immédiats pour des radionucléides émetteurs de rayons X et gamma de demi-vie courte. Il donne ainsi une bonne idée de la contamination à un instant t. L’examen radiotoxicologique – consistant en une analyse d’urine ou de selles – permet quant à lui d’analyser tous types de radionucléides. Cependant, le temps de recueil des échantillons varie de 8 à 72 heures. L’examen n’est donc pas adapté si l’on souhaite détecter des radionucléides de très courte demi-vie.

© Antoine Dagnan/Citizen Press/Médiathèque IRSN/Magazine Repères

Comment mesurer la contamination interne à la suite d’un accident nucléaire ? 

L’Institut dispose de camions qui permettent de conduire un examen ATP approfondi directement sur site. - © Stéphanie Clavelle/Médiathèque IRSN

En cas d’accident nucléaire, des moyens mobiles permettent de mesurer la contamination interne directement à proximité de la zone contaminée. En plus de deux camions-laboratoires, l’IRSN dispose de quatre véhicules légers (Boxers) et quatre véhicules lourds (Shelters) d’anthroporadiométrie. Les Boxers sont déployés en première intention à proximité immédiate de la zone contaminée et permettent de réaliser, en dix minutes, quatre examens du thorax et de la thyroïde en simultanée. Les Shelters peuvent être acheminés par voie terrestre, aérienne ou maritime. Ils ont une plus grande capacité : jusqu’à dix examens en simultané. 

Voir infographie « Contamination interne : la mesure s’adapte à tous », dans Repères n° 48

Code du travail

En application de la réglementation du Code du travail, l’organisme dont le personnel est soumis au risque de contamination par des radionucléides doit mettre en place un suivi de la contamination interne de ses travailleurs. Celui-ci est réalisé au moyen de mesures d’anthroporadiométrie ou d’analyses de radiotoxicologie prescrites par le médecin du travail.

Lire l’article du Code du travail

Lire l’arrêté relatif aux modalités de surveillance dosimétrique individuelle de l’exposition interne.



CONTACTS


Article publié en avril 2024