L’usure des tubes : les recherches internationales

L’usure des tubes des générateurs de vapeur est un point de vigilance pour la sûreté. Pour renforcer son expertise dans ce domaine, l’IRSN participe au programme de recherche international TIP (Tube Integrity Program)1. Repères s’est entretenu avec son coordinateur, Patrick Purtscher, ingénieur à la Commission de réglementation nucléaire (NRC), l’autorité de sûreté nucléaire américaine*. 

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La participation de l’IRSN dans le programme international TIP-5s’explique par l’enjeu de sûreté que représente le comportement des tubes de générateur de vapeur. Ici, le remplacement d'un générateur à la centrale de Cruas-Meysse (Ardèche) - © Jean-Marie Huron_Signatures_Médiathèque IRSN

Le programme TIP-5, dédié à l’intégrité des tubes de générateurs de vapeur (GV), s’est achevé en 2019. Quel est l’intérêt de ces recherches ? Les tubes des GV – la partie la plus longue et la plus fine du système de refroidissement du réacteur – comportent des risques de fuites et de dysfonctionnements. Il y a un enjeu de sûreté pour tous les types de réacteurs à eau pressurisée exploités dans le monde. Le programme TIP permet le partage d’expériences et de moyens de recherche entre quatre pays : la France, les États-Unis, le Canada, la Corée du Sud. Les travaux menés ces dernières années contribuent à minimiser le nombre d’arrêts forcés de réacteurs.

Quels sont les résultats notables ?

L’un des principaux axes de recherche portait sur la compréhension des fissures provoquées par la corrosion. Elles peuvent apparaître côté primaire – à l’intérieur des tubes – ou côté secondaire – à l’extérieur –, en raison des propriétés chimiques de l’eau, des contraintes et de la température de fonctionnement. La partie cintrée, en haut du générateur, représente un problème majeur. Sa courbure induit des perturbations lors des contrôles par la technique des courants de Foucault, employée habituellement par les exploitants (voir infographie Comment situer un défaut dans un tube de générateur de vapeur). Le cintrage engendre des contraintes mécaniques qui augmentent le risque de fissuration. Les fissures sur la partie externe sont plus simples à simuler. Celles internes étaient jusqu’ici quasiment impossibles à étudier de cette manière. L’autorité de sûreté américaine, la NRC, a financé une étude au laboratoire fédéral de recherche A gonne National Laboratory (ANL). Les travaux menés sur des maquettes des tubes visent trois objectifs. Il s’agit de reproduire des fissures dues à la corrosion interne dans différentes sections du cintre et de mener des inspections avec différentes sondes. Le dernier objectif est d’essayer de nouvelles techniques d’analyse. Avec ces maquettes, l’IRSN et l’institut de recherche américain EPRI2 évaluent des procédures d’inspection et des méthodes d’analyse.Une autre étude est menée sur les vibrations induites par l’écoulement du mélange eau-vapeur à l’extérieur des tubes. Elle montre que les vibrations provoquent leur endommagement à long terme. Ce phénomène a causé la fermeture définitive de la centrale Songs3 en Californie en 2013. Sur ce thème, l’EPRI a financé le laboratoire nucléaire canadien de Chalk River. Il a construit une maquette à l’échelle 1, dans laquelle l’initiation de la vibration est reproduite et étudiée. Des modèles théoriques de simulation ont été validés en 2020. 

Quels sont les apports de l’IRSN ?

Le travail sur la partie cintrée des tubes a nécessité une collaboration entre plusieurs membres du TIP, dont l’IRSN. L’Institut a contribué à la modélisation de la variation du signal des courants de Foucault, en fonction de l’usure des tubes sous l’effet du frottement des barres anti-vibratoires. Il s’agit du principal mécanisme de dégradation dans les générateurs de vapeur récents équipés de tubes en acier de nouvelle génération, dit « alliage 690 » (lire article Anomalies des générateurs de vapeur : comprendre et prévenir). 

TIP-6 a démarré en janvier 2019. Quel est son objectif ?

Chaque membre du TIP-6 propose et mène des recherches qui leur paraissent les plus importantes. Lorsque ces sujets se recoupent, cela donne la possibilité de collaborer plus directement. Cela a été le cas pour la section en U des tubes des GV au cours du TIP-5. Le NRC américain contribue au TIP-6 en évaluant l’analyse automatique des résultats de l’inspection des tubes réalisée par la technique des courants de Foucault. 

 

1. Piloté par la NRC (Nuclear Regulatory Commission), l’autorité de sûreté nucléaire américaine. D’autres partenaires du programme – ANL (Argonne National Laboratory, USA), CNSC (Canadian Nuclear Safety Commission), EPRI (Electric Power Research Institute, USA), AECL (Atomic Energy of Canada Limited, Canada), KAERI (Korea Atomic Energy Research Institute) et KINS (Korea Institute of Nuclear Safety). GRS, Allemagne, et FANR, Émirats arabes unis – font partie du TIP-6 ou sont sur le point de le rejoindre. 

2. Electric Power Research Institute. 

3. San Onofre Nuclear Generating Station. 

 

* Interview réalisée en anglais, puis traduite en français. 


Dossier publié en juillet 2020