REPORTAGE - Radionucléides fixés aux sédiments : la migration est quantifiée

Les radionucléides rejetés par l’usine de retraitement de La Hague atteignent la baie du Mont-Saint-Michel (Manche) en quinze à vingt ans. Des investigations de terrain éclairent ce processus.

Après le carottage dans un polder de la baie du Mont-Saint-Michel à marée basse, les techniciennes Marianne Lamotte (à gauche) et Marianne Rozet (à droite) fixent une toise le long du carottier pour découper la carotte en échantillons d’épaisseur égale - Photoreportage © Célia Goumard/Médiathèque IRSN.

Profitant d’un coefficient de marée élevé, quatre chercheurs du Laboratoire de radioécologie de Cherbourg-Octeville (LRC, Manche) quittent leur paillasse. Pour comprendre le devenir des radionucléides provenant de l’usine de retraitement de La Hague, direction les prés salés1 de la baie du Mont-Saint-Michel. Leur mission : rapporter des carottes2 de sédiments, puis mesurer leur contenu en éléments radioactifs : césium 137, cobalt 60, plutoniums 238-239-240, plomb 210 et potassium 40. En combien de temps se retrouvent-ils enfouis dans les sédiments de la baie, située à 150 kilomètres environ au sud de La Hague ? Intégrée dans le projet Tase (Transport des radionucléides associés aux sédiments de l’environnement), cette expédition doit apporter quelques réponses. 
Après les grandes marées, pas facile d’enfoncer le carottier dans les dépôts tassés. « Nous voulons rapporter un mètre de sédiments. Nous remontons ainsi le temps jusqu’aux débuts de la mise en service de l’usine de retraitement, en 1966. Nous reconstituons l’historique des rejets de radionucléides en mer », explique le radioécologiste Denis Maro. Le précieux prélèvement est débité et les 27 strates sédimentaires rapportées au laboratoire pour analyse.  
« Nous estimons de quinze à vingt ans le temps de transit du cobalt 60 lié aux sédiments entre le Nord- Ouest du Cotentin et le mont Saint-Michel. Nous trouvons un pic en 2002. Il correspond aux rejets les plus importants de l’usine, datant de 1984. Cette étude indique une baisse globale des rejets radioactifs au cours du temps [lire p. 13] », précise le chercheur. Ces travaux serviront à améliorer les modèles de recherche évaluant le transport sédimentaire3 et le modèle d’expertise de l’IRSN, Sterne4. « Nous étudierons la possibilité de remise en suspension des radionucléides associés aux sédiments en cas de tempêtes », ajoute Denis Maro. 

1. Territoire recouvert par la mer uniquement lors des grandes marees.
2. Echantillon cylindrique extrait du sol par un appareil de forage.
3. Modele Croco – dispersion des radionucleides dissous – lie au modele Mustang d’association de radionucleides aux sediments.
4. Simulation du transport et du transfert d’elements radioactifs dans l’environnement marin.

Découpe d'une carotte de sédiments en échantillons. Pour chacun, il faut consigner la profondeur et les coordonnées GPS du point de prélèvement.

Chaque échantillon est conservé dans une boîte.

Date de prélèvement, nom de la campagne... plusieurs données sont inscrites sur les boîtes de strates sédimentaires. Elles sont envoyées au Laboratoire de radioécologie de Cherbourg-Octeville (LRC, Manche).


BIBLIOGRAPHIE

Avis IRSN 2020-00144. Étude d’impact sanitaire et environnemental de l’établissement de La Hague www.irsn.fr/Avis-2020-144

Les côtes françaises sous l’oeil de l’IRSN www.irsn.fr/cotes-fr

Thèse de Mokrane Belharet www.irsn.fr/These-Belharet

Repères n° 13, mai 2012 Radioecologie marine : surveiller et predire www.irsn.fr/R13

Convention Ospar www.ospar.org/convention

Accident de Fukushima Daiichi : simulation de la dispersion en mer des rejets radioactifs liquides www.irsn.fr/Fuku-Mer-2011



Article publié en avril 2021