Transport de radiopharmaceutiques : multiplier les précautions

Tous les transporteurs de produits radiopharmaceutiques sont potentiellement exposés aux rayonnements ionisants. Depuis 2018, le secteur du transport a enregistré quatre dépassements de la limite de dose. Quelles précautions mettre en œuvre ? Comment l’Institut contribue à la radioprotection.

Environ 300 000 colis avec des produits radiopharmaceutiques sont transportés chaque année en France. Il s’agit de produits de diagnostic, des sources pour la radiothérapie ou la curiethérapie. - © Radiopharma Logistics Group

TEMOIGNAGE – Loïc de Tarade : "Tout est fait pour protéger le transporteur"

Loïc de Tarade, président de Cis bio international et directeur des établissements Saclay & Antony, usine de production de radioéléments artificiels. - © Coll. Part

En tant qu’expéditeur de produits radiopharmaceutiques, Cis bio international garantit le respect des normes de colisage, comme de transport. Le niveau de radiation du colis ne dépasse pas 2 mSv/h en tout point de la surface.
Dans le hall d’expédition des colis, diverses mesures limitent l’exposition des opérateurs. Un code couleur indique leur destination – aéroports internationaux, centres hospitaliers en France, etc. –, ce qui permet de les charger rapidement. Nos transpalettes sont équipés d’une protection radiologique constituée d’une plaque métallique plombée. Un marquage au sol indique les zones à risque d’exposition, etc.

La signalétique est contrôlée
Durant son intervention dans nos locaux, comme au cours du transport, l’exposition du personnel du transporteur mandaté est contrôlée par sa dosimétrie opérationnelle. L’exploitation des données dosimétriques est réalisée par le conseiller en radioprotection (CRP) du transporteur, qui les partage périodiquement avec notre CRP. Ces données sont reportées dans le bilan annuel.
Au départ des colis, chaque véhicule de transport est contrôlé sous la responsabilité de notre conseiller à la sécurité des transports (CST) : signalétique, extincteur, etc. Le CST vérifie aussi la conformité des documents : déclaration d’expédition de marchandises classe 7, nombre et description des colis, etc.
Les principaux incidents – 3 à 4 fois par an – arrivent lors des opérations réalisées dans les aéroports : un endommagement de l’enveloppe extérieure du colis qui est généralement un carton. Même si cela concerne uniquement l’extérieur, notre procédure prévoit de dépêcher sur place une équipe d’astreinte. Celle-ci vérifie l’intégrité du colis grâce à des contrôles dosimétriques puis, le cas échéant, le reconditionne, avant de le faire repartir.


INFOGRAPHIE – Transport de radiopharmaceutiques et dépassements de dose

Éviter de dépasser la dose efficace annuelle autorisée, c’est préserver la santé des professionnels exposés aux rayonnements ionisants. Quelles bonnes pratiques mettre en place ? Que se passe-t-il en cas de dépassement ? Quelles sont les obligations pour l’employeur ?

© Art Presse/ABC Communication/Médiathèque IRSN/Magazine Repères

AVIS D’EXPERT – Juliette Feuardent : "En cas d’alerte, nous sollicitons le médecin du travail"

Juliette Feuardent, spécialiste des expositions professionnelles à l’IRSN de 2008 à 2023 - © Georges Goué/IRSN

"En 2020, un nouveau dépassement de la dose limite annuelle – 20 mSv – a été enregistré dans le secteur du transport des radiopharmaceutiques. C’est le quatrième depuis 2018, soit environ 13 % de l’ensemble des dépassements enregistrés sur la même période. C’est inhabituel. Nous repérons ces cas à partir des alertes transmises par les laboratoires de dosimétrie et grâce à la veille réalisée à partir du Système d’information de la surveillance de l’exposition aux rayonnements ionisants (Siseri). Nous calculons pour chaque travailleur la dose cumulée sur douze mois glissants et la comparons à la valeur limite d’exposition professionnelle (VLEP).
Un bilan des dépassements est régulièrement transmis à la direction générale du travail (DGT) et à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN). En cas d’alerte, nous sollicitons le médecin du travail (MDT) de la personne concernée, pour collecter les conclusions de l’enquête qu’il doit mener sur les conditions d’exposition. Parfois, l’investigation révèle que le travailleur a égaré ou mal utilisé son dosimètre. Nous modifions alors les données de Siseri.
Nous constatons que les quelques événements recensés concernent des auto-entrepreneurs.
Ils n’ont pas de MDT et pas de suivi médical. Le bilan 2019 des expositions professionnelles signale cette défaillance."


INFORMATIONS PRATIQUES

Expertise transport

Le Bureau expertise de la sûreté des transports (Best) a plusieurs missions. À la demande de l’ASN, il expertise les programmes de protection radiologique (PPR). Il accompagne des inspections et donne un avis sur l’arrimage. Il expertise le dossier de sûreté sur la conception des colis. Pour le volet transport, il forme des conseillers en radioprotection (CRP), volet transport. Il collabore avec le Basep, Bureau d’analyse et de suivi des expositions professionnelles, pour des évènements transport liés aux dépassements de limite de dose annuelle.

Expertise métrologie

Le laboratoire dont dépend l’Unité de métrologie et méthode (UMM) est un des sept laboratoires français accrédités pour le suivi dosimétrique des travailleurs. Il fournit, lit et analyse des dosimètres individuels passifs. Au-delà d’un seuil trimestriel de pré-alerte (1,5 mSv), il réalise une expertise complémentaire explorant les conditions statiques/dynamiques d’exposition. Support technique au médecin du travail et conseiller en radioprotection, il peut aider à mener une reconstitution. Il renseigne le Siseri2 et signale tout dépassement au Basep

Réglementation

Code de la santé publique (article L.1333), du travail (articles R. 4451) et des transports (articles L.1252-1 et R.1252-8).
Guide de l’ASN n°29 La radioprotection dans les activités de transport de substances radioactives www.asn.fr

Expositions professionnelles aux rayonnements ionisants en France, 2019.
www.irsn.fr/travailleurs-2019

Le circuit par lequel transitent les radiopharmaceutiques doit être conçu afin de réduire au minimum l’exposition du personnel. - © Sophie Brändström/Signatures/Médiathèque IRSN

INCIDENT

Fin 2001, un colis du fabricant suédois Studsvik est envoyé aux États-Unis. Il transite par la plateforme Fedex à l’aéroport de Roissy (Val-d’Oise). Il contient de l’iridium 192 (activité 366 TBq). À l’arrivée, le transporteur américain détecte un débit d’équivalent de dose anormalement élevé du colis. Les enquêtes estiment les expositions des deux employés de Fedex à 15 et 100 mSv et celle du chauffeur américain à 3,4 mSv. L’événement classé niveau 3 sur l’échelle internationale des évènements nucléaires, Ines, est dû à une erreur de conditionnement.


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Article publié en septembre 2021