Interdiction des armes chimiques

Fabricants, fournisseurs, utilisateurs, importateurs ou exportateurs de nombreux produits chimiques sont concernés par la Convention d’interdiction des armes chimiques (CIAC). Quelles sont leurs obligations ? Comment se préparer à une inspection ? À travers un exemple, les experts expliquent comment les industriels français peuvent être accompagnés. 

Interdiction des armes chimiques

A gauche : Nathalie Pirès (avec le casque), chimiste à l'Institut, en 2019, à la réunion des autorités nationales en charge de la mise en oeuvre de la CIAC, aux Pays-Bas - © OPCW . A droite : l’expertise de l’IRSN est sollicitée par les industriels. Elle est aussi mise au service d’autres États membres de l’OIAC souhaitant mettre en œuvre la convention, ici avec la Côte d’Ivoire - © Noak/Le Bar Floréal/Médiathèque IRSN.

Pesticides, produits pharmaceutiques, cosmétiques, herbicides, résines… beaucoup de produits – même les plus courants – sont visés par la CIAC.Cette réglementation est peu connue et certains industriels ne se pensent pas concernés. Qu’il s’agisse de remplir les déclarations, de suivre les évolutions réglementaires, de se préparer à une inspection, ou encore de protéger leurs données industrielles et commerciales, des experts de l’IRSN les accompagnent. 

L’entreprise est conseillée 

Certains produits couramment utilisés dans l’industrie peuvent être détournés. Un fabricant d’intermédiaires de polyamides de la chaîne du nylon, comme Butachimie, est ainsi soumis à la réglementation CIAC. « Le cyanure d’hydrogène que nous produisons à partir d’ammoniaque et de gaz naturel est utilisable aussi pour fabriquer des armes chimiques, indique Michel Constant, responsable environnement de Butachimie. Chaque année, nous devons déclarer auprès de l’IRSN le volume de cyanure d’hydrogène produit l’année précédente et notre intention de production pour l’année à venir. » Cette transmission d’informations jugées sensibles rend parfois les industriels réticents. La confidentialité des données est pourtant assurée lors de la collecte des déclarations grâce à un portail de télédéclaration sécurisé.  
Dans le secteur industriel, la CIAC classe les produits chimiques en quatre catégories1, en fonction de leur niveau de toxicité et des utilisations qui peuvent en être faites. Avoir des activités en relation avec ces substances induit la nécessité de se soumettre au régime de vérification. Il repose sur la déclaration annuelle des activités et des installations en relation avec ces composés et sur des inspections plus ou moins contraignantes en fonction de la nature des activités et des quantités mises en œuvre. « Sous les seuils de vérification, l’industriel n’a aucune obligation vis-à-vis de la convention. Le couplage déclaration-inspection n’est pas automatique », précise Nathalie Pirès, experte en chimie à l’Institut. 

Les inspections sont préparées 

Si les industriels peuvent profiter des conseils des experts pour remplir leurs déclarations – activités et nombre d’usines à déclarer, codes de déclaration à retenir, etc. – ils en bénéficient surtout en cas d’inspection par des fonctionnaires internationaux de l’Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC). Conduite par des inspecteurs couverts par l'immunité diplomatique, elle a pour but de vérifier la conformité des déclarations, le non-détournement de substances et l'absence de produits figurant au tableau des armes chimiques.  

Comment y participe l’IRSN ? « Il reçoit une copie des notifications d’inspection de l’OIAC, en même temps que le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères. Il en vérifie la conformité, s’assure que les inspecteurs sont bien acceptés sur notre territoire, détaille Noémie Balistreri, chargée d’application des contrôles internationaux de non-prolifération des armes chimiques à l’Institut. Nous prévenons le site visé, organisons la logistique – hébergement, transport, interprétariat – pour les inspecteurs. Nous conseillons l’entreprise en vue de l’inspection : documents à préparer, protection des données confidentielles. »  
Michel Constant, dont l’entreprise a été inspectée en 2016, témoigne : « Malgré les délais courts de notification [quarante-huit à cent vingt heures séparent la notification de l’arrivée de l’inspection selon la catégorie de produits] nous avons pu nous organiser et recevoir les inspecteurs dans de bonnes conditions. Les experts nous ont exposé en amont le déroulement et nous ont conseillés sur l’organisation, les éléments à présenter, comme les justificatifs comptables, etc. » 

Les intérêts sont protégés 

Le rôle de l’Institut est d’assurer le bon déroulement de l’inspection. Il cherche un compromis entre deux impératifs : démontrer que le site respecte les dispositions de la CIAC – que ses activités sont conformes aux volumes déclarés, qu’il n’a pas omis de déclarer des produits, etc. – et préserver les intérêts de la nation, en protégeant le savoir-faire et les procédés de l’industriel. « Avant l’inspection, nous sensibilisons le personnel. Nous conseillons la concision et identifions ensemble les informations à conserver confidentielles, tels les noms des clients, la “recette” au cœur du savoir-faire, etc. », détaille Noémie Balistreri. Lors d’une inspection, une question peut faire l'objet de discussions, afin de déterminer si elle est fondée. Des procédures strictes sont parfois mises en œuvre : accès réduit aux bâtiments, masquage d’informations non pertinentes, etc.  
Le jour J, le site accueille les inspecteurs de l’OIAC et l’équipe d’accompagnement, comprenant plusieurs personnes de l’IRSN et un agent du ministère de l’Intérieur.  
« Une salle verrouillée – véritable poste de commandement – a permis d’assurer la confidentialité de l’inspection. Personne ne devait accéder aux ordinateurs des inspecteurs en leur absence, se souvient Michel Constant. Nous leur avons transmis des informations comptables et techniques : les caractéristiques des unités, le nombre de réacteurs, les matériaux, volumes, familles de produits chimiques fabriqués, les procédures et équipements mis en œuvre, le type de réactions chimiques, etc. Ils ont vérifié la concordance entre les renseignements fournis et la réalité des installations. Le conseil – en amont et le jour J – nous a évité toute improvisation. » Lors de la réunion de fin d’inspection, les experts de l’équipe d’accompagnement sont également présents pour relire et discuter le rapport préliminaire rédigé par les inspecteurs.  
En tant qu’appui technique du Quai d'Orsay et du ministère de l'Économie et des Finances chargé de l’industrie pour l'application de la CIAC dans le domaine civil français, l’IRSN a participé à 165 inspections 2 depuis l’entrée en vigueur de la Convention en 1997.

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Une brochure présentant la CIAC et ses obligations est diffusée auprès des industriels - © Noak/Le Bar Floréal/Médiathèque IRSN

1. Trois tableaux et la classe complémentaire des produits chimiques organiques définis (PCOD)
2. Inspections dans le secteur industriel civil au 30 avril 2020. Ce chiffre ne tient pas compte des inspections des sites relevant du ministère de la Défense

 

Pour en savoir plus : 


3 QUESTIONS À… Pascal Perrochon

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Pascal Perrochon Responsable des affaires internationales de France Chimie - © Amélie Marzouk

Quel rôle a France Chimie vis-à-vis de la convention ? 

En tant que fédération regroupant uniquement des producteurs – environ 900 entreprises, à 90 % des PME et entreprises de taille intermédiaire – nous menons une action en partenariat avec l’IRSN. Notre rôle consiste à former et informer nos adhérents. Dès que l’Institut nous adresse des informations sur la convention, des modifications, etc., nous leur transmettons. Nous avons aussi créé un colloque qui se tient lors de changements réglementaires importants sur la CIAC. Le dernier a eu lieu en 2017.

Comment s’articulent vos actions et celles de l’IRSN ? 

Quand les entreprises nous contactent, nous réalisons un premier diagnostic. Nous évaluons leurs connaissances de la convention, les informons sur la réglementation et en fonction de leurs produits, des seuils mis en jeu, vérifions si elles sont concernées. Ainsi elles peuvent se situer. Quand c'est nécessaire, nous leur donnons l’information utile sur leurs obligations et les orientons vers l’Institut. 

Avez-vous d’autres activités en partenariat ? 

Nous proposons chaque année une formation d’une journée sur la CIAC. Une quinzaine d’entreprises sont formées par des intervenants de l’Institut sur l’application concrète de la convention en entreprise. C’est aussi l’occasion de les préparer à un éventuel contrôle de leurs usines par l’OIAC*. Il nous arrive aussi d’intervenir à la demande de l’Institut, en soutien à des pays souhaitant mettre en œuvre la convention, comme dernièrement avec la Côte d’Ivoire (lire ci-dessous). 

*Organisation pour l’interdiction des armes chimiques 


AILLEURS - Partenariat avec la Côte d’Ivoire

« Venir sur notre site les intéressait car ils consomment et importent aussi du cyanure d’hydrogène et nous avons déjà été inspectés par l’OIAC1. » Voilà comment Michel Constant, responsable énergie-environnement de Butachimie, explique la venue d’une délégation de Côte d’Ivoire en décembre 2019 dans l’usine de Ottmarsheim (Haut-Rhin). « Nous avons passé en revue les documents exigés, les points de vigilance : protection de la propriété intellectuelle, “briefing” des personnes impliquées dans la visite... Notre expérience montre qu’une inspection préparée en amont avec les autorités nationales ne perturbe pas une unité de production. » La visite du site industriel fait suite à l’accueil par l'IRSN de cette délégation chargée de mettre en œuvre la CIAC2 en Côte d'Ivoire. Elle relève d’un programme de partenariat mis en place par l’OIAC, visant le partage de bonnes pratiques entre un État aguerri à la mise en œuvre de la CIAC – telle la France – et un autre moins expérimenté. La rencontre comprenait également une présentation des outils mis à disposition par l'OIAC et des études de cas. 

1. Organisation pour l'interdiction des armes chimiques 
2.Convention d’interdiction des armes chimiques 


INFOGRAPHIE - Interdiction des armes chimiques : exemples d'industries concernées

Certains produits et usines chimiques peuvent être détournés à des fins malveillantes. Pour prévenir ce risque, la Convention d’interdiction des armes chimiques (CIAC) s’applique aux producteurs, utilisateurs, importateurs ou exportateurs de ces substances. Elle les classe en plusieurs catégories. 


Article publié en juillet 2020