Musée du Louvre, des chefs-d'oeuvre passés sous X

Composition, structure, datation… Au Centre de recherche et de restauration des musées de France (C2RMF), la radioactivité fait parler les œuvres d’art.

Depuis 1987, des chercheurs venus de tous les musées de France et du monde entier se relaient pour recueillir les oracles d’Aglaé, l’Accélérateur Grand Louvre d’analyses élémentaires.
Depuis 1987, des chercheurs venus de tous les musées de France et du monde entier se relaient pour recueillir les oracles d’Aglaé, l’Accélérateur Grand Louvre d’analyses élémentaires. - © C2RMF/Maigret Fournier

Le musée du Louvre abrite bien des trésors, mais pas seulement ceux de pharaons égyptiens. Sous le jardin des Tuileries, le Centre de recherche et de restauration des musées de France (C2RMF) cache une merveille… de technologie !
Aglaé¹ est le seul accélérateur de particules au monde dédié à l’analyse d’œuvres du patrimoine. Sous l’effet de ses protons et particules alpha, la glaçure d’une céramique révèle sa composition chimique, les composants des grenats identifient leur lieu d’extraction, les ingrédients d’un vernis signent une époque…
Quentin Lemasson, ingénieur d’études au C2RMF et spécialiste d’Aglaé, exerce aussi la fonction de personne compétente en radioprotection (PCR) : “Définition et balisage des zones chaudes, dosimétrie d’ambiance et des travailleurs, contrôle des équipements… Je veille sur la sécurité de quatre ingénieurs et d’un apprenti, utilisateurs permanents, d’une dizaine d’utilisateurs réguliers en interne et d’une multitude d’autres ponctuels, chercheurs, conservateurs, restaurateurs, archéologues…” 

Déterminer la composition

Le C2RMF utilise d’autres sources de rayonnements ionisants. La fluorescence X fournit la composition chimique d’un matériau en pourcentage².
La diffraction X révèle la composition structurelle d’un objet. La thermoluminescence date les minéraux. C’est la spécialité d’Antoine Zink, seconde PCR, en charge des sources radioactives : “Je m’occupe des autorisations, de la signalisation, de l’affichage des règles de sécurité avec les noms des utilisateurs et des assistants de prévention… J’assure les vérifications internes des équipements et le suivi des contrôles externes : semestriels, annuels et en cas de modification. Je forme les personnels. Je surveille leur dosimétrie grâce aux dosimètres passifs ou d’ambiance et aux bornes de dosimétrie active. Toutes les données sont transférées à l’Institut.” Il intervient au C2RMF, mais aussi in situ dans les musées et monuments historiques.
Une grande variété de pièces de toutes les époques sont examinées. Un silex vieux de 10 000 ans vient d’être passé au crible par Aglaé, et avant cela un centre de table en argent et argent doré, réalisé au xvie siècle par l’orfèvre allemand Wenzel Jamnitzer.
En 2014, sur avis de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), le C2RMF a fait appel à l’IRSN pour l’aider à parfaire les mesures de radioprotection autour d’Aglaé. L’accélérateur s’apprête à bénéficier d’une grande cure de jouvence, qui permettra son utilisation 24h/24. Rendez-vous en 2018.

1. Accélérateur Grand Louvre d’analyses élémentaires
2. Alors qu’Aglaé permet de détecter d’infimes traces élémentaires – quelques parties pour million.

Un outil pour percer les mystères

Elsa Lambert est radiologue. Photographe de formation, elle dispose du Camari, le certificat d’aptitude à manipuler les appareils de radiologie industrielle. Elle vérifie ici des clichés de radiographie pour découvrir ce qui se cache dans l’objet archéologique qu’elle vient d’examiner.

Elsa Lambert est radiologue. elle dispose du Camari, le certificat d’aptitude à manipuler les appareils de radiologie industrielle. Elle vérifie des clichés de radiographie pour découvrir ce qui se cache dans l’objet archéologique qu’elle vient d’examiner

Des trésors révélés

Sous l’œil de l’appareil de radiographie, on découvre un bassin humain pris dans une motte, issu d’une fouille archéologique. Elsa Lambert désigne une zone sur laquelle on discerne les restes d’une parure réalisée en fil métallique.

Sous l’œil de l’appareil de radiographie, on découvre un bassin humain pris dans une motte, issu d’une fouille archéologique. Elsa Lambert désigne une zone sur laquelle on discerne les restes d’une parure réalisée en fil métallique.

Faire parler un chef d’œuvre du XVIème siècle

Le musée Unterlinden de Colmar (Haut-Rhin) confiée au C2RMF l’expertise du retable d’Issenheim, joyau de l’art médiéval. Ici, la radiographie dévoile la structure et les assemblages d’une partie sculptée.

Le musée Unterlinden de Colmar (Haut-Rhin) confiée au C2RMF l’expertise du retable d’Issenheim, joyau de l’art médiéval. Ici, la radiographie dévoile la structure et les assemblages d’une partie sculptée.

Des outils pour la radioprotection 

Pour Aglaé, cinq dosimètres d’ambiance sont posés à la sortie des sources et de la cuve d’accélération, et aussi au niveau de l’aimant orientant le faisceau, de la cage de Faraday et du portail de la zone d’analyse. Un sixième placé dans la salle de commande sert de témoin. Deux personnes compétentes en radioprotection (PCR) assurent le suivi dosimétrique des travailleurs.

Des outils pour la radioprotection

Des mesures de sécurité adaptées

Marquage au sol des zones réglementées, signalisations lumineuses et sonores, lourdes portes blindées... le C2RMF a mis en place différents dispositifs pour assurer la radioprotection de ses collaborateurs et du public. Dès qu’Aglaé ou les appareils de fluorescence X ou de diffraction X fonctionnent, les voyants passent au rouge.

Marquage au sol des zones réglementées, signalisations lumineuses et sonores, lourdes portes blindées... le C2RMF a mis en place différents dispositifs pour assurer la radioprotection de ses collaborateurs et du public.

Crédit reportage photo : Nicolas Lartigues/Pellicam/IRSN/Repères 31


VIDÉO

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Les règles de radioprotection au C2RMF © Pellicam/IRSN/Repères 31
L'accélérateur de particules Aglaé du C2RMF © Pellicam/IRSN/Repères 31
Art et rayonnements © Pellicam/IRSN/Repères 31

Article publié en décembre 2016