Radiopharmacie : préparer des médicaments avec rigueur et précaution

Le Dr Valérie Causse-Lemercier est radiopharmacienne à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, à Paris. Sa mission : mettre à disposition des radiopharmaceutiques, dans le respect des règles de radioprotection du personnel, du patient et de l’environnement. 

“Avec 65 mg d’iodure de potassium par comprimé, il en faut deux pour atteindre les 100 mg d’iode recommandés pour un adulte », détermine Valérie Causse-Lemercier, responsable de l’unité fonctionnelle de radiopharmacie à la Pitié-Salpêtrière, à Paris (Île-de-France). En concertation avec Agnès Dumont, radiopharmacienne, et Émilie Hubert, cadre de santé, elle définit un protocole avec prise d’iode stable pour protéger la thyroïde lors d’un examen de diagnostic. Celui-ci nécessite l’injection d’un radiopharmaceutique contenant de l’iode 123 radioactif.

Se protéger…

Pour remplir ses missions de radioprotection, Valérie Causse-Lemercier a suivi une spécialisation complémentaire en radiopharmacie et radiobiologie. « Toute préparation de radiopharmaceutiques est nominative, destinée à un patient donné. Les commandes sont optimisées pour limiter l’exposition du personnel qui les manipule et la production de déchets radioactifs », indique-t-elle. Dans les locaux de l’unité, Antoine Debrienne, manipulateur en électroradiologie médicale (MERM), réceptionne le colis de transport d’un médicament fluoré radioactif dans le local de livraison radioprotégé. Il exécute cette tâche avec précision et rapidité. « Pour limiter son exposition, le personnel joue constamment sur trois paramètres : le temps, la distance et les écrans », explique Valérie Causse-Lemercier. Le manipulateur vérifie la conformité de la livraison, contrôle les informations inscrites sur le bon de livraison et l’intégrité du conditionnement avec l’existence de scellés intacts. Dans le laboratoire de préparation, il insère le flacon de médicament dans un pot plombé, puis dans un automate. Ce dernier assure la production des doses patient par fractionnement aseptique de la dose transférée. Chaque dose unitaire est placée dans une chope plombée étiquetée, que le MERM dépose dans un guichet transmural. L’étiquette précise l’activité du produit au moment de la préparation : 188,3 MBq à 10h24. « La période physique du fluor 18 est très courte : la radioactivité diminue de moitié toutes les deux heures, explique-t-il. J’ai toujours un œil rivé sur l’évolution de l’activité, mesurée en continu à l’aide des activimètres de l’automate. » Valérie Causse-Lemercier a en amont défini l’ensemble des mesures de radioprotection visant à réduire l’exposition du patient : « Nos protocoles permettent d’encadrer les activités prescrites par les médecins et de contrôler les doses produites. » Une chope est redéposée dans le guichet transmural : ce radiopharmaceutique fluoré vient d’être injecté à un patient. Antoine Debrienne débarrasse la chope de sa cartouche vide en orientant son extrémité ouverte, seule partie non plombée, vers le mur pour minimiser son exposition. Il la stocke ensuite dans une poubelle en plomb. Équipé d’un dosimètre passif, d’un dosimètre opérationnel et d’un dosimètre bague, il va répéter l’opération pour les quarante patients prévus ce jour...

… pour mieux soigner

Derrière les portes plombées qui les isolent, les malades attendent leur examen dans des pièces individuelles. Étant radioactifs, ils disposent de toilettes dédiées pour protéger l’environnement. D’autres patients sont déjà pris en charge pour la réalisation de leur imagerie. Deux manipulateurs en installent un sur la table du TEP-IRM en prenant toutes les précautions liées au champ magnétique de l’IRM. « Au-delà de l’imagerie diagnostique, notre maîtrise des préparations radiopharmaceutiques permet aussi de soigner », rappelle le Dr Valérie Causse-Lemercier.


Élaborer les protocoles

De gauche à droite, Valérie Causse-Lemercier, responsable de l’unité de radiopharmacie, Agnès Dumont, radiopharmacienne, et Émilie Hubert, cadre de santé à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, à Paris (Île-de-France), discutent des protocoles de prise en charge des patients.

Radiopharmaceutique

Conserver toutes les autorisations

Dans un épais classeur, Valérie Causse-Lemercier conserve les autorisations de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et les formulaires de fourniture de sources émis par l’IRSN. Valables cinq ans, ils sont indispensables pour passer des commandes de radiopharmaceutiques. Des numéros sont attribués selon la nature du radioélément et de l’utilisation qui en sera faite à des fins de diagnostic, de thérapie ou de recherche.


Réceptionner les colis radioactifs

Les colis scellés contenant les radiopharmaceutiques sont déposés dans un local spécifique radioprotégé. Une fois contrôlés, ils sont transférés par Antoine Debrienne, manipulateur en électroradiologie médicale (MERM) dans le laboratoire de préparation. Le circuit par lequel transitent les colis puis les médicaments a été conçu afin de réduire au maximum l’exposition du personnel.


Respecter les règles de radioprotection

Le manipulateur sort une chope en plomb contenant une cartouche radioactive. Cette chope permet d’acheminer le médicament radiopharmaceutique de la zone de production jusqu’au box d’injection dans le respect de la radioprotection. Elle est conçue pour y adapter une aiguille et un piston de seringue pour injecter le médicament.


Assurer le suivi de qualité pharmaceutique

Agnès Dumont, radiopharmacienne, procède au contrôle qualité d’un médicament radiopharmaceutique utilisé pour les scintigraphies cardiaques. Elle réalise une chromatographie sur couche mince avec une préparation de tétrofosmin marquée au technétium 99m. La pureté radiochimique témoignera de la qualité du médicament, indispensable pour un examen réussi.

 


Préparer les médicaments radioactifs

Certaines préparations sont réalisées manuellement. Dans une enceinte radioprotégée de haute énergie, le manipulateur prépare une dose de microsphères en résine marquées à l’yttrium 90. Elle sera dispensée pour une thérapie par radio-embolisation. Ses gestes sont rapides et précis pour limiter l’exposition de ses doigts.

Reportage photo © Laurent Vaulont/Médiathèque IRSN

Un registre indique à quelle heure les zones de travail ont été contrôlées par le manipulateur. Le service de médecine nucléaire dispose de sa propre équipe de nettoyage. Formé et suivi, le personnel n’intervient qu’après vérification de l’absence de contamination.


DIAPORAMA

Des consignes claires et des contrôles fréquents

Antoine Debrienne, manipulateur en électroradiologie médicale prépare une seringue contenant des médicaments radiopharmaceutiques dans une enceinte radio-protégée. L’activité est mesurée avec un instrument de référence, l’activimètre.

Le schéma sur l’écran de contrôle de l’automate de fractionnement de doses est utilisé pour contrôler les transferts de radiopharmaceutiques fluorés et les productions de cartouches nominatives Des activimètres indiquent en temps réel les activités mises en jeu à chaque étape.

Dans le service, les patients auxquels un radiopharmaceutique a été administré attendent leur examen dans des pièces individuelles radio-protégées.

Dans le sas en sortie de l’unité une affichette pour le personnel détaille la conduite à tenir en cas de contamination accidentelle.


La radioprotection des professionnels 

Ce coffre ou valise servant au transport des seringues et flacons radiopharmaceutiques, limite l’exposition des personnes à proximité.

Disponible en différentes tailles, les protèges-seringues radio-protégés protègent les mains des manipulateurs lors de l’injection de médicaments radiopharmaceutiques.

Dès l’entrée dans la zone contrôlée où se trouvent les laboratoires, les manipulateurs et radiopharmaciens s’attribuent un dosimètre opérationnel qu’ils activent pour la traçabilité de leur exposition. Il se porte en plus du dosimètre passif.

En fin de journée, en sortie de radiopharmacie, les personnels vérifient à l’aide d’une sonde la non contamination de leurs extrémités.

Un registre indique à quelle heure les zones de travail ont été contrôlées par le manipulateur. Le service de médecine nucléaire dispose de sa propre équipe de nettoyage. Formé et suivi, le personnel n’intervient qu’après vérification de l’absence de contamination.

Reportage photo : @Laurent Vaulont/Médiathèque IRSN


Article publié en juin 2019