Un œil sur la biodiversité

© Jean-Marc Bonzom/IRSN

Que voyez-vous sur cette photo ? Un œil de grenouille ? Vous avez raison. Plus précisément, une grenouille vivant dans la zone d’exclusion de Tchernobyl. Sur ce territoire, les activités humaines restent encore de nos jours interdites. En quelques décennies, il est devenu un refuge pour la biodiversité – lynx, loups, ours… – et un laboratoire pour les scientifiques. Le retour des grands mammifères laisse de prime abord penser que ces zones sans humains seraient un paradis sur terre. Mais qu’en est-il ? Cette région est-elle vraiment un havre de paix ou reste-t-elle, au contraire, inhospitalière pour la vie sauvage ? Des scientifiques du Laboratoire de recherche sur les effets des radionucléides sur les écosystèmes (Leco), à Cadarache, dans les Bouches-du-Rhône, mènent des travaux pour répondre à ces questions. Clément Car, chercheur en écologie, et ses collègues démontrent sur une espèce d’amphibien – considérée comme une sentinelle de la qualité écologique de l’environnement – que la taille et la diversité génétique des populations de rainettes arboricoles sont plus faibles dans les zones les plus contaminées. Étonnante observation alors même que la migration d’individus depuis les zones environnantes est avérée. L’équipe de chercheurs met également en évidence une diminution de l’état des rainettes et une augmentation de mutations génétiques délétères. Autre observation : les modifications du métabolisme énergétique sont corrélées avec l’augmentation de la contamination radioactive dans les régions le plus fortement contaminées de cette zone d’exclusion. Ces changements pourraient constituer le facteur explicatif du déclin des populations de grenouilles dans cette région. Cette étude montre que les populations de rainettes restent encore aujourd’hui soumises à des changements nocifs. Elle souligne les impacts à long terme de la catastrophe nucléaire de Tchernobyl sur la vie sauvage.

Jean-Marc Bonzom, chercheur en écologie
Clément Car, doctorant en écologie


Article publié en février 2024