DOSSIER - Protéger les centrales des agressions externes

Canicules, tempêtes, inondations, séismes, mais aussi sabotages et autres malveillances sont autant d’agressions contre lesquelles les centrales nucléaires doivent être protégées. Comment ? L’IRSN veille à ce que les dispositions mises en œuvre par EDF garantissent un bon fonctionnement de la centrale ou sa mise en sûreté, quel que soit le scénario envisagé.

Les centrales nucléaires doivent être protégées contre toute agression d’origine externe, et notamment les aléas naturels. Ici, la centrale de Cruas-Meysse, au bord du Rhône, dans la Drôme, un soir d’orage. - © Xavier Delorme/Biosphoto

Canicules l’été, grands froids l’hiver, tempêtes, inondation ou séismes : les centrales nucléaires françaises peuvent subir toutes sortes d’agressions dont l’origine est externe à l’installation. Les responsabilités sont clairement définies : c’est à l’exploitant – EDF en l’occurrence – de démontrer que les dispositions de protection des centrales sont suffisantes pour éviter un accident. Et si malgré tout il survenait, pour en limiter les conséquences. Dans tous les cas, il s’agit d’éviter l’accident grave, la fusion du cœur, comme cela s’est malheureusement produit en 2011 à Fukushima Daiichi, au Japon. L’IRSN expertise les mesures prévues ou mises en place, et se prononce sur la robustesse des démonstrations apportées. Un dialogue s’établit pour parvenir à un niveau de sûreté optimal.
Dans ces démonstrations, l’aléa considéré – comme un pic inédit de chaleur – doit correspondre aux conditions exceptionnelles les plus sévères que l’installation est susceptible de rencontrer. L’approche retenue pour évaluer le risque lié aux agressions naturelles est déterministe : il s’agit par exemple de se préserver de l’aléa ayant une chance sur cent, sur mille ou sur dix mille de se produire chaque année selon l’aléa considéré, éventuellement majoré pour s’aligner sur un consensus des autorités de sûreté européennes, qui préconise désormais de fixer ce seuil à une chance sur dix mille. L’approche probabiliste de la sûreté, qui consiste à attribuer une probabilité d’occurrence à chaque défaillance possible d’un équipement, comme les fameux diesels de secours, reste encore hors de portée pour de nombreuses agressions. Quant aux actes de sabotage, qui font eux aussi partie des agressions externes, ils relèvent de logiques différentes. Dans tous les cas, les équipements qualifiés de « noyau dur »1, qui assurent les fonctions vitales de la centrale en conditions extrêmes, doivent pouvoir résister à des aléas encore plus sévères.

Des aléas en cascade
Ces aléas évoluent. Lentement mais inexorablement pour les températures qui augmentent à cause du réchauffement climatique. Beaucoup plus rapidement pour les cybermenaces, contre lesquelles une course permanente est engagée. Et certains, parfois, s’additionnent. Protéger la centrale contre l’un d’eux ne doit alors pas la fragiliser face à un autre. L’IRSN veille ainsi à ce qu’un réservoir d’eau, ajouté pour lutter contre les canicules, ne devienne pas un projectile lorsqu’une tornade arrive. Il est donc essentiel d’étudier les combinaisons d’agressions : à la centrale de Fukushima Daiichi, en 2011, c’est un séisme qui a provoqué un tsunami d’une intensité qui n’avait pas été anticipée.

 

1. Proposé par l’IRSN après l’accident de Fukushima Daiichi de 2011, le concept de « noyau dur » consiste à doter chaque installation d’équipements « ultimes », capables de résister à des événements exceptionnels.


ÉDITO - La nature nous force à rester modestes et inventifs

Les agressions externes des centrales nucléaires, liées notamment aux aléas naturels, sont une préoccupation croissante de l’IRSN. L’accident de Fukushima Daiichi, en 2011, a rappelé que la nature restait indomptable. Le réchauffement climatique la rend plus instable encore. Si les standards de sûreté ont été rehaussés, différents sujets requièrent notre vigilance. Acquérir davantage de données reste fondamental pour mieux caractériser les aléas et leurs effets. De nouvelles combinaisons d’agressions pourraient aussi être à envisager, ou des effets simultanés sur plusieurs sites, lors d’une canicule longue et étendue par exemple. Les chantiers de réflexion ne manquent pas et méritent d’être menés avec détermination, à l’heure où s’esquisse en France la construction de nouveaux réacteurs, qui fonctionneront jusqu’à la fin du siècle. Sécuriser un tel horizon nous force à être plus inventifs. Sans doute faudra-t-il recourir davantage aux sciences humaines pour enrichir une vision d’ingénieur, certes efficace quand il s’agit de modéliser des événements unitaires, mais qui ne peut saisir toute la complexité d’un territoire, des comportements humains ou des conflits d’usage. Car il s’agit bien, en fin de compte, de replacer les centrales dans l’ensemble du tissu d’interactions complexes qu’elles entretiennent avec leur environnement à la fois naturel et humain.

Claire-Marie Duluc
Responsable du service de caractérisation des sites et des aléas naturels


Les températures augmentent ? La sûreté aussi !

Face aux canicules qui se font plus intenses et plus fréquentes, les centrales nucléaires doivent prouver leur capacité à maintenir les équipements dans des gammes de température supportables. En installant, par exemple, des brumisateurs d’eau pour réfrigérer l’air entrant dans les bâtiments les plus sensibles. Un dispositif que l’IRSN a expertisé.

REPORTAGE - Évaluer aujourd’hui les canicules de demain

En utilisant de nouveaux outils statistiques consacrés aux événements extrêmes, Occitane Barbaux, étudiante en thèse de doctorat, précise les températures les plus élevées que devront probablement affronter les centrales en France d’ici à la fin du siècle. Un travail qui renforce l’expertise de l’IRSN sur les modèles climatiques.

Contre vents et tornades, l’IRSN monte au filet

Comment protéger les réservoirs externes d’eau borée, qui refroidissent et traitent l’eau de la piscine du combustible sur les réacteurs de 900 MWe, contre d’éventuels projectiles soulevés par des vents extrêmes ? EDF prévoit des filets d’acier soutenus par une charpente métallique. Une solution qui, pour les experts de l’Institut, n’est pas suffisante.

Les méandres d’une digue

La sûreté est souvent affaire de patience et s’inscrit dans le temps long. En témoigne l’histoire du renforcement de la digue du canal de Donzère-Mondragon, entre Drôme et Vaucluse, qui illustre la nécessité d’un dialogue continu avec l’exploitant.

Retour sur le séisme historique du Teil

Spectaculaire, le violent séisme survenu en 2019 dans la commune ardéchoise du Teil est étudié par l’IRSN pour affiner son expertise. L’Institut espère ainsi mieux comprendre la dynamique de la faille des Cévennes et évaluer la probabilité d’une nouvelle rupture de sol en surface.

Protéger des intrusions hostiles

Contre les actes de malveillance sur les centrales nucléaires, une série de barrières oppose une résistance qui doit laisser le temps aux forces de sécurité d’intervenir. Caméras de surveillance, tourniquets de sécurité, filtrage des intervenants sur les zones sensibles… les experts de l’IRSN veillent à ce qu’aucun dispositif ne présente de faille susceptible d’être exploitée.


Dossier publié en avril 2024